auvergne plaisance croisière

190 milles sur les mers

Croisière Pornichet du 20 avril au 26 avril 2013

par Catherine Donet

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C'est dans la forme des caps
c'est dans la façon dont les vagues
de se briser sur la côte
(avec un long et lent chpouf contre les rocs)
c'est dans la lumière changeante
c'est dans le clair silence de ce matin d'avril

Kenneth White

 

C'est par un temps ensoleillé de bon augure que tout l'équipage du « Ti Males » se retrouve à bord le vendredi 19 avril. Pendant que les hommes font l'inventaire, les femmes vont faire les courses. Et le soir même nous sommes installés dans nos quartiers.

Pour moi qui n'ai jamais navigué, tout est nouveau et insolite. A commencer par la vie à bord : tout est si exigu ! Du coup pour une fois je trouve des avantages à être petite et menue ! Le premier soir je me glisse dans ma couchette comme un pain qu'on enfourne. Furtive impression de claustrophobie qui passe vite. Je découvre les joies des sanitaires dans les capitaineries : douches brûlantes au Palais, fermées pour travaux à Port-Tudy, situées à cinq cent mètres à Port-Haliguen, histoire sans doute d'aider les plaisanciers à se dérouiller les jambes.

Le sabir spécialisé que parlent les hommes d'équipage ne laisse pas non plus de me surprendre, mais bien vite les termes imagés me séduisent : on love les bouts (attention, malheureuse, pas de c... à bord ! Comprenne qui peut !), on borde et on choque les voiles, on hisse ou on affale la GV ou le génois, on tire des bords ou on louvoie, j'apprends à faire des nœuds de cabestan pour capeler les pare-battages sur des filières et à virer de bord. Et le capitaine me fait même barrer dans le chenal de Lorient comme un vieux loup de mer ! J'en prends d'ailleurs bien vite le teint, burinée comme un boucanier !

2013 Pornichet MouillageChacun à bord remplit son rôle : Lionel est un capitaine infaillible, rassurant sans être stressant, un pédagogue qui sait transmettre sa passion de la voile et attentionné envers son équipage, je lui voue d’ores et déjà une reconnaissance éternelle pour la tasse de thé et les petits gâteaux qu'il m'a apportés alors que je gisais nauséeuse sur un des bancs du cockpit et tout à fait incapable de descendre dans le carré pour me sustenter. Régis est un second expérimenté, d'attaque dès potron-minet et qui saura nous parler droit au cœur en nous apportant croissants et pain frais un matin. Les équipiers sont rompus à la manœuvre : Béatrice imperturbable et polyvalente, commise à la charge de photographier toutes les balises qu'on croise, Martine d'une efficacité redoutable est partout à la fois, aux fourneaux comme sur le pont, la jovialité et la bonne humeur de François sont contagieuses. Yannick se confronte à son terrain d'exercice pour le permis hauturier et moi j'observe et j'apprends tout un tas de choses passionnantes.

L'ambiance à bord est conviviale, chaleureuse même. Les repas sont l'occasion de partages amicaux et de fous rires. Nous n'oublierons pas les démêlés de Régis avec la boulangère de Belle-Île qu'il désespère en lui achetant toute sa provision de pain, non plus que le camembert odorant de notre second ! Des images d'Epinal rythment la croisière comme cette dégustation d'huîtres à l'Herbaudière. Avec le cri des mouettes et le décor du carré, on se serait cru dans une pub ! Lionel Le Breton nous offre un échantillon de pâtisseries régionales qui nous sucrent le cœur autant que le palais ! C'est un mélange délectable de Kouign-Amann, de far aux pruneaux et de gâteau breton à la crème de caramel au beurre salé aux qualités nutritives et gustatives incontestables. Il faut bien ça pour lutter contre le froid !  Malgré nos supplications, notre bienfaiteur refuse de nous révéler le nom de la boulangerie où il a trouvé ces merveilles. Peut-être aurait-il fallu l'attacher quelques heures en haut du mât pour lui délier la langue !

Comme il est de tradition, chaque bateau invite l'autre bord à l'apéritif à tour de rôle : notre navire venu des Antilles nous inspire un punch délectable qui met tout le monde de belle humeur. Notre capitaine en profite pour revêtir son bel habit de cérémonie et décerner à une Martine fort émue sa médaille « d’Apécéenne » émérite. À Port-Haliguen, « Le Son Lointain », l'autre voilier de notre flottille APC, nous régale de spécialités belliloises. De belles visites s'intercalent entre deux traversées : le port charmant de l'Herbaudière sur la presqu'île de Noirmoutier, Belle-Île avec la pointe des Poulains et le fort de Sarah Bernhardt, les aiguilles de Port-Coton entre lesquelles l'eau bouillonne et se gonfle comme un gros paquet d'ouate, le port de Sauzon sous un ciel d'étain.

2013 Pornichet Pied de MatJ'ai le coup de foudre pour Houat, qui signifie « canard », tout à côté de sa petite sœur Hoëdic, « le caneton », sa solitude paisible, ses maisons blanches arc-boutées contre le vent, ses plages de rêve. Je me verrais bien passer là quelques semaines, avec une cargaison de bons livres, de quoi écrire, du thé et du rhum ! Pendant les traversées diverses activités sont proposées pour divertir les passagers : démêlage de lignes, gonflage de l'annexe, pêches à l'orphie et ses arêtes vertes ou au maquereau, observation de la faune locale : méduses iridescentes qui flottent sur l'eau comme de grosses ombrelles, Fous de Bassan au bout des ailes noir, mouettes, goélands et cormorans dont l'un n'oubliera sans doute jamais Lionel et ses reliefs de poisson ! Dans le chenal de Lorient on croise parfois des embarcations de rêve : « Pen Duick VI », catamarans de course, trimaran, mais aussi un Zodiac de commandos de marine dans leurs tenues sombres. Parfois un incident trouble la traversée comme cette vedette de Sécurité Tir qui nous enjoint de nous dérouter pour éviter une zone d'entraînement. Inutile de préciser qu'on s'exécute de fort bonne grâce, mille millions de mille sabords !

Les journées se suivent et ne se ressemblent pas : la première relève de la découverte. Yannick et moi n'échappons pas à quelques accès de nausée qui finissent par passer. Mer calme, ciel bleu mais il fait froid. On fait vent arrière et la navigation avec les voiles en ciseaux procure des sueurs froides à certains d'entre nous qui osent tenir la barre. L’empannage est redouté par tous ! Deuxième jour plus agréable, on s'amarine et le bateau fait même une pointe de vitesse à huit nœuds à l'arrivée au port. Troisième jour éprouvant : lever à trois heures sous la pluie pour les courageux qui manœuvrent le bateau. Yannick expérimente une nav' de nuit et s'extasie devant le plancton lumineux. Plusieurs d'entre nous seront indisposés ce jour-là sur notre bateau. Le soir tout le monde a la fringale et le poulet ne fait pas de vieux os ! Troisième jour : départ de Belle-Île autour de quinze heures seulement à cause de l'ouverture de l'écluse. Pas de vent, on avance au moteur ce qui n'est pas rigolo du tout ! Mais chacun prend son mal en patience. Idem pour les jours suivants.

2013 Pornichet CockpitQuatrième jour : étape à Lorient pour prendre du gasoil. Le brouillard s'est levé, quand le soleil apparaît, l'effet est féérique. L'horizon disparaît. On est seuls au monde. De temps à autre un petit coup de corne de brume mugit mélancoliquement sur les eaux. La lumière s'irise sur l'eau. Puis la brume se déchire et laisse place à un ciel bleu paradisiaque.

Cinquième jour : c'est Croisière Costa ! Le matin un peu de vent permet de sortir les voiles. On jette l'ancre dans la baie du port de Houat. Le soleil généreux nous offre un déjeuner de rêve dans le cockpit.

Le cinquième jour, le plus mouvementé, nous réserve des émotions fortes. Le vent s'est levé, le bulletin météo annonce cinq à six beaufort avec rafales. Nos « voileux » sont tout heureux : enfin on va naviguer ! Moi, je suis impressionnée et je préfère mettre le gilet : j'ai peur d'avoir peur ! Mais la vitesse qui fait glisser le bateau sur l'eau est bien vite excitante. La houle creuse la mer de plus d'un mètre. Ça tangue, ça tape, ça gîte. On prend un ris. Le « Ti Males » file à dix nœuds. C'est grisant !

2013 Pornichet SNSMAlors que nous admirons le phare du plateau du Four, nous avisons une petite embarcation de pêche qui semble en difficulté : trois hommes à bord écopent, l'un d'eux fait des signes. Lionel affale les voiles et se met au moteur pour leur porter secours. Un autre voilier nous imite. La manœuvre est délicate mais Lionel, parfaitement secondé par les hommes d'équipage, mène l'opération de main de maître. Notre bateau réussit à s'approcher de la barque remplie d'eau mais au moment de leur lancer un bout elle se retourne et les hommes tombent à l'eau. Nos vaillants marins réussissent à en agripper un. Les deux autres seront secourus par l'autre voilier. Nous sommes tous bouleversés par l'incident. Le frêle esquif malmené comme un fétu de paille par la houle, la vision de ces hommes qui ont failli périr sous nos yeux, le regard paniqué des naufragés sont autant d'images qui resteront gravées dans nos mémoires ! Pendant qu'un bateau de la SNSM récupère les rescapés, nous méditons la leçon de la nature et l'inconscience de ces trois hommes embarqués pour une partie de pêche sur un canot dérisoire par une mer agitée. Pour couronner le tout, l'un d'entre eux ne savait pas nager et un autre était un novice qui sortait en mer pour la première fois. Pas sûr qu'il reparte en bateau de si tôt ! Notre naufragé qui ne réalise pas encore à quel sort il a échappé est obsédé par la crainte de perdre ses lignes à deux cents euros quand c'est sa vie qu'il a failli perdre... Notre bateau reprend sa trajectoire et rallie finalement Pornichet sous génois à huit nœuds. A bord, nous nous sentons tous liés par quelque chose d'exceptionnel, l'une de ces aventures humaines qui soudent les individus. Un événement qui sans nul doute entrera dans les annales d'APC !

Ainsi s'achève notre virée dans les îles du Ponant sur un bateau qui s'appelle le « Ti Males », ce qui veut dire peu ou prou « les copains d'abord » en créole, un bon programme, non !2013 Pornichet Equipage !

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