auvergne plaisance croisière

Immersion polaire en Bretagne Nord

2013 Tregor Article MKF (9)Croisière dans le Trégor du 11 au 17 mai 2013

par Martine Kahn-Faure

 

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Puisqu’il m’échoit la lourde tâche de rendre compte de notre belle et glaciale semaine et que tout a déjà été dit - et fort bien - sur les à-côtés du parcours, il ne me reste qu’à évoquer les découvertes et sensations qui ont émaillé la vie à bord de « Karen » et elles furent aussi diverses que nombreuses…

Quelques semaines plus tôt, au moment d’organiser le chargement de la voiture, j’entends encore mon parrain-chef-de-bord-chauffeur, alias Lionel me dire : « cette fois, j’aurai un sac moins gros… », sous-entendu moins gros qu’en Bretagne Sud où nous avons gelé. Ah bon ? Prémonition ? Etude scrupuleuse de la météo ? Sixième sens ? Ni Lionel, ni moi, n’avons allégé nos sacs et bien nous en a pris…

Après un voyage long bien sûr mais agréable, à nous les embruns, le vent, l’iode, le ciel bleu et les quais interminables pour découvrir nos bateaux. Dès que j’ai vu « Karen », un bel Sun-Odyssée 35 au bout du quai des oubliés à Saint-Quay, j’ai su que ça allait être difficile et que nous allions à l’empoignade !... Rien qu’à le regarder, je « savais » que ce bateau allait adorer gîter comme un fou, contrairement au Gib-Sea «Ti Males » de Pornichet, qui prenait avec élégance juste ce qu’il fallait d’inclinaison et filait alors à vive allure. Et puis ce « Karen », je le trouvais petit, bref j’allais m’embarquer sur ce que j’estimais être un « frêle esquif » par une météo dont je pressentais qu’elle serait rude et par un froid glacial. Youppie. Je n’ai pas été déçue…

 

Samedi 11 mai

2013 Tregor JPL Karen Article MKFAprès les inventaires d’usage, un apéritif improvisé et délicieux, merci à la maman d’Isabelle, nous met de bonne humeur et nous voilà prêts à partir dans une joyeuse euphorie… Elle sera de courte durée car d’emblée, le ton est donné : vagues en tous sens, houle, vent, froid, de quoi incommoder une partie de l’équipage. Je n’ai donc pas le choix : virer de bord autant de fois qu’il le faudra avec Lionel comme partenaire qui, sans se plaindre, change de bord chaque fois avec moi pour que je n’aie qu’à choquer.

Enfin, nous entrons dans le port de Paimpol, talonnés par la SNSM, encore elle, qui veut passer à toute force en premier avec un voilier en remorque. Nous laissons faire ... Et puis nous voilà à quai, au calme ! Je suis lessivée… Après le dîner, contrairement à la rumeur, la partie féminine de l’équipage a bien décidé d’aller à la recherche d’un endroit qu’on dit à la mode, le « Corto Maltese », mais dûment chaperonnée par deux des équipiers et pour ma part, j’ai failli m’endormir devant ma tisane de verveine, épuisée par cette première journée. Alors, pour ce qui est d’un retour tardif et joyeux, il faudrait peut-être penser à vérifier ses sources ! Ah… ces journalistes…

 

Dimanche 12 mai

2013 Tregor MKF  Treguier CalvairePourquoi changer une météo qui gagne ? On reprend la même, en pire ! Je n’ai pour ainsi dire aucun souvenir de cette journée. Tout est confus, chaotique. Je ne revois que des vagues, des crêtes blanches, des creux, du vacarme, de la houle. Je ne sais même plus si j’ai aidé aux manœuvres ou si je me suis contentée de me faire oublier en contenant ma peur. Je me fiche pas mal de savoir où nous allons, j’ai juste hâte d’y être… enfin le chenal, interminable mais calme du Jaudy… Près du port, une fête foraine nous laisse craindre un vacarme nocturne qui n’aura pas lieu.

Après déjeuner, nous partons avec plaisir à la découverte de Tréguier, avec ses maisons à pans de bois, dont celle d’Ernest Renan, sa cathédrale dédiée à Saint-Tugdual dominée par son immense clocher décoré de sculptures illustrant les cartes à jouer, symboles des loteries qui ont payé son édification, son gisant de Saint-Yves entouré d’ex-voto émouvants et pas loin, une boulangerie tentatrice pour les amateurs de Kouign amann bien gras, bien beurré, à réchauffer s’il vous plaît !

Nous ouvrons les festivités apéritives et par je ne sais quel miracle, nous arrivons à faire entrer les seize personnes des trois équipages dans le carré de Karen, ce qui nous oblige le reste du temps à des contorsions variées, soit pour aller attraper les pommes de terre, soit pour aller chercher une polaire dans la cabine du fond. Et que je lève les jambes, et que je me glisse en travers, et que je crapahute à genoux pour faire le tour de la banquette, le tout assorti à chaque passage des excuses de rigueurs… c’est très fun !

 

Lundi 13 mai

2013 Tregor MKF  Port BlancDès le premier coup d’œil, je suis fixée sur la météo du jour. Je me ratatine déjà, je prie à tout hasard tous les dieux de l’Olympe, et je tente de faire bonne figure…

Dès la sortie du chenal, tout y est, rien ne manque à l’appel ! Houle, vagues, vent, froid, sans oublier cette gîte à laquelle je n’arrive pas à me faire, mais alors pas du tout. C’est un vieux contentieux entre la mer et moi que je n’arrive pas à vaincre. J’essaie de me faire oublier et de me concentrer sur mon chaos intérieur afin d’y mettre de l’ordre et de me raisonner, mais la partie est loin d’être gagnée. Le mouillage imposé à Port-Blanc me semble un havre de paix avec même un peu de soleil… Un tout petit répit avant de repartir se faire chahuter de plus belle. Je prends le parti de me déconnecter de la réalité, je ne veux plus rien savoir ni voir, je veux juste arriver à Perros-Guirec. Là, j’aviserai…

Une fois à quai, je devine palabres et conciliabules discrets entre les chefs de bord. Peu m’importe, ma décision est prise : je ne prendrai pas la mer demain et rien ni personne ne me fera changer d’avis. Isabelle est d’accord avec moi et nous échafaudons déjà nos plans pour rejoindre les bateaux à Trébeurden. C’est alors qu’un miracle se produit….

2013 Tregor MKF Perros Seuil 

Mardi 14 mai

Un providentiel avis de grand frais nous « oblige », ô joie, à rester à quai ! Il ne fait pas beau, je m’en moque complètement… je revis. Nous optons pour un revigorant plateau de fruits de mer et montons donc au bourg faire nos emplettes : praires, crevettes et une centaine d’huîtres ouvertes promptement dès le retour par les trois pros du bord, le tout est dégusté avec délectation. Nous aurions bien fait une petite sieste, mais nous avons donné notre accord à Lionel pour des manœuvres de port, alors : exécution ! Le contexte est idéal avec ce vent du diable qui tourbillonne et agite l’eau du bassin à flot. Et bien sûr, on gèle… l’apéritif grand style de « Jimlin » nous remettra d’aplomb et il se murmure que la météo pourrait s’améliorer. Tout va bien.

 

Mercredi 15 mai

2013 Tregor MKF TregastelL’amélioration se confirme. Il fait toujours aussi froid mais le vent a faibli et le soleil se montre enfin. Les sept îles sont spectaculaires et c’est une belle découverte. Tout comme ce mouillage bien abrité dans un décor sauvage magnifique. Nous poursuivons et mouillons à Trégastel au milieu des rochers de granite rose, dont les formes arrondies sont bien douces au regard après tant de côtes sauvages et déchirées. Lionel propose à Isabelle et à moi-même de nous emmener à terre. Nous refusons aimablement pour leur éviter de gonfler l’annexe, nous emmener, etc… nous cédons finalement devant son insistance et nous ne le regrettons pas. Nous avons passé un moment délicieux à nous promener sur la côte et la plage. Il convenait de rétablir la vérité sur cette petite « escale » où nous ne fûmes pas « envoyées à terre » comme de vulgaires paquets, mais délicatement déposées par un gentleman ! Ah ! Ces journalistes, toujours les mêmes…

Dernière étape de la journée : Ploumanac’h bien caché au fond d’un chenal qui serait invisible depuis le large sans la présence de la tour carrée du phare de Men-Ruz. Mais avant de l’emprunter, nous nous détournons de notre route pour aller admirer deux beaux voiliers qui se dirigent vers les Sept Iles. L’un d’eux est un « Pen-Duick » que nous verrons à quai le lendemain. Le chenal qui mène au mouillage est magnifique et le bassin d’une tranquillité absolue dans la belle lumière du soleil couchant. Quelle paix après tout ce chaos !

 

2013 Tregor PB MouettesJeudi 16 mai

Cette journée sera la plus belle et c’est une chance puisque nous allons mouiller à Bréhat dont la beauté n’est plus à vanter. Les hommes du bord, restés très gamins, nourrissent les mouettes avec des biscuits apéritifs japonais très épicés et contemplent les dégâts en rigolant. Nous paressons un moment au soleil avant de rejoindre Lézardrieux, au fond d’un long, très long chenal. L’apéritif très réussi d’« Orphée » nous fait passer une dernière belle soirée, aussi fraîche que les précédentes.

 

Vendredi 17 mai

Le beau temps s’est envolé et Lionel nous annonce que ça va souffler dès que nous sortirons du chenal ! Ben voyons ! J’attaque discrètement la phase « crispation n°1 » en même temps que nous attaquons la remontée du « loooong » chenal à la voile, avec autant de virements de bords que nécessaire. A la sortie du chenal de l’Arcouest, nous essuyons la toute fin d’un grain qui se dirige vers la côte et ne subissons la pluie que quelques minutes. La navigation se passe bien, je me décrispe et nous voilà de nouveau amarrés, définitivement cette fois, le long du quai des oubliés de Saint-Quay. Nous terminons la semaine en beauté puisque voilà l’entrée au port des « Pen-Duick », là, juste sous nos yeux ! Quelle chance…

  

2013 Tregor MKF Pen DuickPendant qu’on roule, je récapitule : j’ai gelé toute la semaine, j’ai eu ma dose de sueurs froides et d’émotions mais si c’était à refaire, je le referais… les sensations fortes laissent d’excellents souvenirs, tout comme l’ambiance amicale qui a régné tout au long de cette semaine. J’adresse avec reconnaissance une mention spéciale à mes équipiers et à mon chef de bord, qui ont supporté avec une infinie patience ma trouille et mes capacités réduites à manœuvrer. Je termine en tirant un grand coup de chapeau aux rois de la Game Boy, capables de rester les yeux rivés sur leur écran tout en manœuvrant et ce des heures durant, analysant sans fin récifs, courants, profondeurs, et « cherry on the cake », comparant leurs résultats pour revérifier à nouveau. Mais les mêmes accros au GPS étaient aussi de fins barreurs qui à eux trois ont fait tout le boulot. Alors bravo et merci.

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